Vous avez vécu un accident il y a des années, mais votre épaule reste douloureusement contractée. Vous avez surmonté mentalement une période difficile, pourtant votre ventre se noue encore sans raison apparente. Vous pensez avoir « tourné la page », mais votre corps, lui, semble se souvenir.
Cette sensation n’est pas dans votre tête : votre corps porte réellement la mémoire traumatique de ce qui vous est arrivé.
Contrairement à ce que nous avons longtemps cru, les traumatismes ne se logent pas uniquement dans notre psyché. Ils s’inscrivent dans nos tissus, nos muscles, nos fascias, créant des empreintes corporelles qui persistent bien après que l’événement soit passé.
Cette mémoire traumatique corps est une réalité physiologique documentée par les neurosciences.
Cette découverte révolutionnaire transforme notre approche thérapeutique : pour vraiment libérer un traumatisme, il faut passer par le corps.
Qu’est-ce que la mémoire traumatique corporelle ?

Le corps comme archive vivante
Votre corps fonctionne comme une bibliothèque vivante qui enregistre chaque expérience significative.
Dès la conception, votre organisme emmagasine du vécu et des mémoires, bien avant que votre mental ne soit totalement opérationnel. Cette capacité d’archivage se poursuit toute votre vie.
Lorsqu’un événement traumatisant survient – un accident de voiture, une chute, une intervention chirurgicale, un choc émotionnel violent, une agression – votre corps réagit instantanément. Il se contracte, se fige ou se prépare à fuir. Si cette réaction de survie n’est pas complétée, si l’énergie mobilisée ne trouve pas d’issue, elle reste « enkystée » dans vos tissus.
La différence entre mémoire consciente et mémoire corporelle
Vous pouvez avoir consciemment « digéré » un événement difficile, avoir fait un travail psychologique approfondi, et pourtant sentir que quelque chose reste bloqué dans votre corps. Cette dissociation entre mental et corporel s’explique par la nature même de la mémoire traumatique.
La mémoire consciente, celle dont vous pouvez parler, se situe dans votre cortex cérébral. La mémoire traumatique, elle, se loge dans des structures plus anciennes de votre cerveau – l’amygdale, l’hippocampe – et surtout dans votre corps lui-même. Elle s’exprime non pas en mots, mais en sensations, en contractions, en zones figées. Cette mémoire traumatique corps fonctionne selon des mécanismes différents de la mémoire narrative.
C’est pourquoi vous pouvez avoir « compris » intellectuellement ce qui s’est passé sans pour autant sentir votre corps apaisé. Le trauma corporel fonctionne sur un autre registre que le trauma psychique, même s’ils sont intimement liés.
Comment les traumatismes s’inscrivent dans votre corps
Les cuirasses musculaires : vos protections devenues prisons
Dès 1930, Wilhelm Reich, médecin-psychiatre pionnier, décrivait ce phénomène avec précision : « Toute rigidité musculaire contient l’histoire et la signification de son origine. » Il appelait ces contractions chroniques des « cuirasses musculaires » – l’expression, au niveau somatique, des mécanismes de défense de la personne.
Imaginez : vous subissez un choc violent. Votre corps se contracte pour se protéger, pour créer une armure. C’est une réaction de survie parfaitement adaptée sur le moment. Le problème survient quand cette protection ne se relâche jamais. Vos muscles restent tendus, votre respiration demeure courte, vos fascias se rigidifient. La cuirasse destinée à vous protéger temporairement devient votre prison permanente.
Ces cuirasses se localisent souvent dans :
- Les épaules et la nuque (porter le poids du monde)
- Le diaphragme et la cage thoracique (bloquer les émotions)
- Le bassin (protection des zones intimes)
- La mâchoire (retenir les mots, la colère)
- Le ventre (digérer les émotions non exprimées)

Les fascias : le système oublié qui stocke vos mémoires
Les fascias, ces tissus conjonctifs qui enveloppent chaque muscle, chaque organe de votre corps, jouent un rôle crucial et longtemps méconnu dans la mémoire traumatique. Contrairement aux muscles qui se contractent puis se relâchent, les fascias peuvent rester figés pendant des années, créant une rigidité corporelle profonde.
Ces tissus possèdent une densité de récepteurs nerveux supérieure à celle de la peau. Ils communiquent constamment avec votre système nerveux, maintenant parfois votre corps en état d’alerte des années après l’événement traumatisant. Travailler sur les fascias devient donc essentiel pour libérer la mémoire traumatique ancrée dans les profondeurs de vos tissus. Cette mémoire traumatique corps se manifeste par des rigidités fasciales persistantes.
Les réactions figées : quand la survie reste active
Lors d’un traumatisme, votre corps mobilise trois réactions possibles : la fuite, le combat ou le figement. Si vous n’avez pas pu fuir ou vous défendre, si vous êtes resté figé (lors d’une anesthésie, d’un accident où vous étiez coincé, d’une situation où vous ne pouviez rien faire), cette énergie de survie non dépensée reste active dans votre système nerveux.
Votre corps continue alors de fonctionner comme si le danger était toujours présent. Cette hypervigilance chronique épuise votre système nerveux autonome et maintient vos tissus en contraction permanente.
La mémoire traumatique : manifestations concrètes dans le corps

Douleurs chroniques inexpliquées
Vous avez consulté de nombreux médecins. Les examens ne révèlent rien d’anormal, pourtant la douleur persiste. Cette lombalgie chronique, cette sciatique récurrente, ces cervicales constamment tendues peuvent être l’expression corporelle d’un traumatisme non résolu.
La zone qui vous fait souffrir peut être directement liée à l’impact physique du traumatisme (une chute sur l’épaule il y a dix ans) ou correspondre à une zone de protection émotionnelle (le ventre qui se contracte suite à un choc émotionnel).
Sensations corporelles perturbantes
Au-delà de la douleur, vous pouvez ressentir :
- Une sensation de « vibrer » intérieurement, une agitation nerveuse constante
- Des zones de votre corps qui semblent « mortes », engourdies, coupées
- Une difficulté à « habiter » certaines parties de vous-même
- Des frissons, des tremblements spontanés sans raison apparente
- Une hypersensibilité tactile dans certaines régions
Ces sensations ne sont pas le fruit de votre imagination. Elles sont les manifestations tangibles de la mémoire traumatique stockée dans vos tissus.
Réactions émotionnelles disproportionnées
Vous vous surprenez à réagir de façon excessive dans certaines situations ? Un bruit soudain vous fait sursauter violemment ? Une situation pourtant banale déclenche une anxiété inexplicable ? Ces réactions peuvent être des résurgences de traumatismes anciens dont votre corps a gardé l’empreinte. La mémoire traumatique corps s’exprime ainsi à travers des réactions automatiques incontrôlables.
Votre système nerveux, resté en alerte, réagit à des stimuli qui lui rappellent inconsciemment l’événement traumatisant. C’est votre corps qui répond avant même que votre conscience ne comprenne ce qui se passe.
Pourquoi le travail mental seul ne suffit pas
La limite des approches purement verbales
Combien de fois avez-vous raconté votre histoire ? Combien d’heures passées à analyser, comprendre, décortiquer l’événement traumatisant ? Ce travail psychologique est précieux et nécessaire. Mais s’il ne s’accompagne pas d’un travail corporel, une partie essentielle du traumatisme reste intouchée.
Parler d’un traumatisme active le cortex cérébral, la partie « récente » de votre cerveau. Or, la mémoire traumatique se loge dans des structures plus anciennes, pré-verbales, qui ne répondent pas au langage mais aux sensations, au mouvement, au toucher.
Le corps ne ment jamais
Votre mental peut minimiser, rationaliser, refouler. Votre corps, lui, dit toujours la vérité. Cette épaule contractée, ce ventre noué, cette respiration courte sont des messages directs, non filtrés par les mécanismes de défense psychologiques.
C’est pourquoi les approches corporelles permettent souvent d’accéder à des mémoires traumatiques que la parole seule ne peut atteindre. Votre corps porte en lui toute votre histoire, et ceci bien avant que le mental ne soit totalement opérationnel.
La dissociation corps-esprit
De nombreuses personnes ayant vécu des traumatismes développent une dissociation – elles vivent « dans leur tête », coupées de leurs sensations corporelles. Cette stratégie de survie, utile sur le moment, devient problématique à long terme : comment libérer ce dont vous n’avez plus conscience ?
Le travail corporel permet de recréer ce lien rompu, de ramener progressivement la conscience dans le corps, dans les zones figées, pour que la libération puisse enfin avoir lieu.

Comment libérer la mémoire traumatique de votre corps
L’approche par le mouvement et le relâchement profond
Pour libérer un traumatisme corporel, il ne s’agit pas de « forcer » ou de « casser » les cuirasses. Au contraire, toute approche trop invasive risque de réactiver le système d’alerte et de renforcer les protections. La clé réside dans la douceur, le respect et l’écoute fine de ce que votre corps peut accueillir.
La Méthode de Libération des Cuirasses (MLC), développée par Marie Lise Labonté, s’appuie sur ce principe fondamental. Elle utilise des instruments variés – bâtons, balles de différentes densités – pour diriger votre conscience vers des zones corporelles oubliées ou figées.
Le principe de l’auto-régulation
L’un des aspects révolutionnaires de cette approche réside dans l’auto-régulation : vous n’êtes pas soumis à une pression externe imposée par un thérapeute. Vous placez l’instrument sous votre corps et laissez votre organisme décider jusqu’où il peut se déposer.
Certains jours, votre système nerveux acceptera d’aller plus loin dans le relâchement. D’autres jours, il demandera plus de douceur. En respectant ces variations, vous créez un espace de sécurité indispensable pour que les cuirasses acceptent enfin de se relâcher.
Cette approche permet également de révéler des tensions dont vous n’aviez pas conscience.
Les instruments dirigent votre attention vers des zones oubliées, révélant les cuirasses musculaires que vous avez inconsciemment construites pour vous protéger.
Le travail sur les fascias pour libérer les mémoires profondes
Travailler en douceur sur les fascias permet de relâcher les tensions profondes et d’envoyer des signaux de détente au système nerveux. Les mouvements lents, les pressions légères, les étirements doux créent un dialogue avec ces tissus figés depuis parfois des années.
Au fur et à mesure que les fascias se relâchent, il n’est pas rare de voir émerger des émotions longtemps enfouies, des images, des sensations liées au traumatisme originel. Cette libération émotionnelle, qui se fait dans un cadre sécurisé et respectueux, permet enfin de « boucler la boucle » restée ouverte.
Pour découvrir plus en détail comment fonctionne la Méthode de Libération des Cuirasses, vous pouvez explorer les fondements et bienfaits de cette approche.
Anne témoigne :
« Ah, c’est intéressant que tu dises ça, parce que quand je pense à toi et aux sessions qu’on a faites ensemble, je pense à quel point tu es capable de magiquement faire sentir à mon système nerveux que je suis en sécurité. »
Complémentarité avec d’autres approches corporelles
D’autres approches thérapeutiques peuvent accompagner ce processus de libération :
La Somatic Experience, développée par Peter Levine, travaille spécifiquement sur la complétion des réactions de survie inachevées. Elle permet de « terminer » le mouvement de fuite ou de combat que votre corps n’a pas pu accomplir lors du traumatisme.
Les techniques énergétiques comme La Trame ou les soins énergétiques agissent sur la circulation de l’énergie bloquée dans votre corps, permettant de dissoudre les nœuds énergétiques créés par le traumatisme.
Le massage holistique et intuitif offre un toucher bienveillant qui permet à votre corps de se sentir en sécurité, condition essentielle pour que les cuirasses acceptent de se relâcher.
Les étapes de la libération corporelle d’un traumatisme

1. Reconnecter avec votre corps
La première étape consiste à ramener votre conscience dans votre corps, surtout si vous avez développé une dissociation. Des exercices simples d’ancrage corporel – sentir vos pieds au sol, respirer consciemment dans votre ventre, scanner mentalement votre corps – créent cette reconnexion progressive.
Cette phase peut sembler banale, mais elle est fondamentale. Vous ne pouvez pas libérer ce dont vous n’avez pas conscience.
2. Identifier les zones de cuirasse
Progressivement, vous apprenez à repérer les zones de tension chronique, les parties de votre corps que vous ne sentez plus ou que vous évitez inconsciemment. Ces zones sont souvent les gardiens de vos mémoires traumatiques.
Le travail avec les instruments permet de révéler ces cuirasses, parfois insoupçonnées. Vous découvrez des tensions profondes dont vous ignoriez l’existence, des rigidités installées depuis si longtemps qu’elles vous semblaient « normales ».
3. Créer un espace de sécurité
Pour que votre système nerveux accepte de relâcher ses protections, il doit sentir qu’il peut le faire en toute sécurité. C’est pourquoi l’accompagnement thérapeutique crée un cadre bienveillant, sans jugement, où vous gardez toujours le contrôle.
Le principe même de l’auto-régulation – c’est vous qui décidez jusqu’où aller – renforce ce sentiment de sécurité. Votre corps comprend qu’il ne sera pas forcé, agressé, violenté. Il peut donc progressivement abandonner sa vigilance.
4. Accompagner les libérations émotionnelles
Lorsque les cuirasses se relâchent, les émotions enfouies peuvent émerger : pleurs, tremblements, chaleur soudaine, images du passé. Ces manifestations sont des signes de libération, non de régression.
L’accompagnement thérapeutique permet de verbaliser ces émotions libérées, de leur donner du sens, de les intégrer consciemment. Ce qui était figé dans votre corps peut enfin être reconnu, accueilli, puis relâché.
5. Ancrer les changements dans le quotidien
La libération d’un traumatisme n’est pas un événement unique mais un processus. Il s’agit d’installer de nouveaux schémas corporels, de nouvelles façons d’habiter votre corps, de maintenir le relâchement obtenu.
Des rituels quotidiens simples – quelques minutes d’auto-massage doux, des mouvements d’éveil corporel, des temps d’écoute de vos sensations – permettent d’ancrer ces changements et d’éviter que les anciennes cuirasses ne se réinstallent.
Pour accompagner ce processus au quotidien, vous pouvez également participer à des cours et ateliers de MLC qui offrent un cadre régulier pour maintenir cette connexion avec votre corps.
Quand consulter pour libérer une mémoire traumatique ?

Les signes qui indiquent un traumatisme non résolu
Vous devriez envisager un accompagnement corporel si vous reconnaissez plusieurs de ces signes :
- Des douleurs chroniques sans cause médicale identifiable
- Une sensation persistante d’être « bloqué » malgré un travail psychologique
- Des zones de votre corps que vous ne sentez plus ou évitez inconsciemment
- Des réactions émotionnelles disproportionnées dans certaines situations
- Une hypervigilance constante, une difficulté à vous détendre vraiment
- Des troubles du sommeil, des cauchemars récurrents
- Une sensation de « ne pas être tout à fait là », de flotter
- Des limitations physiques (amplitude de mouvement réduite) sans explication
Choisir une approche qui respecte votre rythme
Le choix de l’approche thérapeutique est crucial, surtout quand il s’agit de traumatismes. Privilégiez les thérapeutes qui :
- Comprennent le lien entre traumatisme et corps
- Proposent des approches douces et non invasives
- Respectent votre rythme et vos limites
- Créent un cadre sécurisant où vous gardez le contrôle
- Intègrent le verbal et le corporel
- Ont une formation spécifique au trauma
Un accompagnement adapté peut véritablement transformer votre relation à votre corps et à votre histoire.
Conclusion : votre corps peut guérir de la mémoire traumatique
La mémoire traumatique inscrite dans votre corps n’est pas une fatalité. Ces cuirasses construites pour vous protéger peuvent se relâcher. Ces tensions chroniques qui semblent faire partie de vous peuvent se dissoudre. Ces émotions figées depuis des années peuvent enfin circuler et se libérer. Comprendre la mémoire traumatique corps est la première étape vers la guérison.
Le chemin de la libération passe par la reconnexion avec votre corps, le respect de ses rythmes, l’écoute bienveillante de ses messages. En offrant à votre organisme les conditions de sécurité dont il a besoin, vous lui permettez d’achever le processus interrompu lors du traumatisme.
Votre corps possède une sagesse innée, une capacité naturelle à guérir quand on lui en donne les moyens. Les approches corporelles douces et respectueuses créent cet espace où la libération devient possible.
Et une fois ces mémoires traumatiques relâchées, c’est une vie nouvelle qui s’ouvre : un corps plus souple, une respiration plus libre, une présence à vous-même retrouvée. Vous ne portez plus le poids de ce passé inscrit dans vos tissus. Vous pouvez enfin habiter pleinement votre corps, ici et maintenant.
L’invitation est lancée : et si vous commenciez à écouter ce que votre corps a à vous dire ? Et si vous lui offriez enfin la libération qu’il réclame depuis si longtemps ?
Vous reconnaissez-vous dans cet article ? Découvrez comment un accompagnement corporel adapté peut vous aider à libérer les mémoires traumatiques inscrites dans votre corps. Prenez rendez-vous pour explorer ensemble une approche qui respecte votre rythme et votre histoire.




